Que signifie l’expression « enseignement obligatoire » ?
Saviez-vous que le Ku Klux Klan (KKK) a fait adopter en 1922 dans l’Oregon une loi obligeant les parents à forcer leurs enfants à fréquenter les écoles publiques parce que « nous devons avoir un système d’éducation obligatoire pour atteindre et élever chaque futur citoyen », afin que « toute notre humanité puisse vivre en harmonie ».  Le chef du Klan, Hiram Evans, a défendu ce plan visant à « broyer les Américains comme de la viande dans un hachoir ».
Saviez-vous également que lors de la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), le comité de rédaction, présidé par Eleanor Roosevelt, a clairement indiqué que l’inclusion de la phrase « l’enseignement élémentaire doit être obligatoire » n’avait rien à voir avec le fait d’obliger les enfants à aller à l’école ? Au contraire, il a insisté sur le fait que le terme « obligatoire » doit être considéré comme une obligation absolue pour l’État et les parents d’offrir des moyens significatifs d’éducation élémentaire et de qualité à chaque personne.
Nombreux sont celles et ceux qui pensent que l’éducation doit servir la dignité humaine et l’intérêt supérieur de l’enfant – et non la politique, le profit ou l’administration. C’est pourquoi nous nous préparons à ouvrir une conversation mondiale sur l’interprétation du mot « obligatoire » que nous voulons fixer pour l’avenir. Laquelle souhaitons-nous : celle du KKK ou celle de Roosvelt ?

Appel international pour une clarification de la notion d’instruction obligatoire

Ottawa, Colombo, Berlin, Johannesburg, 18 novembre 2023

La 30e Conférence internationale sur l’éducation démocratique (IDEC) qui s’est tenue en 2023 au Népal a invité le Comité des droits de l’enfant (CRC) à rappeler et repréciser que le terme « instruction* obligatoire » a pour objectif de garantir un accès universel à l’instruction élémentaire à toutes et tous et ne signifie pas qu’il faille forcer un enfant à aller à l’école.

La première reconnaissance internationale de l’instruction comme droit remonte à la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948. L’importance de ce droit est soulignée dans son article 26, qui stipule que « l’enseignement élémentaire est obligatoire ».

Bien qu’il soit devenu courant de traduire et d’interpréter cette clause par « l’obligation pour les enfants d’être scolarisés », cela ne correspond pas à l’intention initiale de la formulation, selon l’IDEC.

Les procès-verbaux des réunions du comité de rédaction de la DUDH présidé par Eleanor Roosevelt font état de discussions approfondies sur le mot « obligatoire ». La documentation montre clairement qu’à aucun moment, les membres du comité de rédaction n’ont souhaité que le terme « obligatoire » soit compris comme une contrainte à exercer sur l’enfant.

Au contraire, comme le confirme l’Observation générale n° 11 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, « l’élément de contrainte sert à mettre en évidence le fait que ni les parents, ni les tuteurs, ni l’État n’ont le droit de considérer comme facultative la question de savoir si l’enfant doit avoir accès à l’enseignement élémentaire ».

La résolution 2023 de l’IDEC insiste sur le fait que le principe de « l’intérêt supérieur de l’enfant » doit être pleinement respecté, plutôt que d’être compromis par des considérations politiques et administratives.

La résolution a été rédigée grâce à la collaboration de défenseurs internationaux de l’éducation démocratique, sous la direction de Richard Fransham (Canada), Sifaan Zavahir (Sri Lanka), Henning Graner (Allemagne) et Je’anna Clements (Afrique du Sud), et avec la contribution d’autres participants du monde entier. Elle a été adoptée lors de l’assemblée générale de l’IDEC le jeudi 19 octobre 2023 et envoyée au Comité des droits de l’enfant des Nations unies en commémoration de l’anniversaire de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, le 20 novembre 2023.

Sifaan Zavahir (Sri Lanka), à gauche, et Henning Graner (Allemagne), à droite, célèbrent l’adoption de la résolution 2023 de la Conférence internationale sur l’éducation démocratique (IDEC) en octobre 2023 au Népal.

*En français, l’anglais « education » n’a pas le sens large du français « éducation » mais le sens restreint de « instruction ». Néanmoins, l’État français a marqué sa volonté de s’aligner sur l’usage anglo-saxon en adoptant le mot « éducation » pour désigner l’instruction et a ainsi rebaptisé en 19320le ministère de l’Instruction publique en ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse.

Questions fréquentes

Q – Où peut-on télécharger le texte intégral de la résolution ?

R – https://www.idecnepal.org/PDFs/resolution-idec2023.pdf

Q – Cela signifie-t-il que les enfants ne devraient pas aller à l’école ?

R – Non, cela signifie que les enfants doivent pouvoir choisir la manière selon laquelle ils veulent s’instruire, que ce soit à l’école ou hors école, en famille, selon ce qui convient le mieux à leurs besoins et à ceux de leur famille avec pour objectif de mieux réaliser le droit à l’instruction.

Q – Êtes-vous en train de changer le sens du mot « obligatoire » pour l’instruction ?

R – Non, nous demandons au Comité des droits de l’enfant (CRC) de préciser ce que ce mot a toujours signifié, parce que dans de nombreux endroits du monde, il y a confusion au détriment de l’intérêt supérieur des enfants.

Q – Cela signifie-t-il que mon pays ne peut pas adopter de lois imposant la « fréquentation obligatoire » d’une école ?

R – Il arrive que certains pays adoptent des lois qui s’éloignent de l’esprit et de l’éthique des textes sur les droits fondamentaux. La « fréquentation obligatoire » de l’école n’est pas conforme à l’intention initiale de la DUDH* et de la CRC** et ne reflète pas véritablement ce que représente le droit à l’instruction d’un enfant.

Q – Cela signifie-t-il que les parents peuvent garder leurs enfants à la maison ou les envoyer travailler ?

R – Non. Les parents ont l’obligation de soutenir leurs enfants pour qu’ils puissent exercer leur droit à l’instruction où que ce soit, dans un établissement scolaire ou pas.

*Déclaration universelle des droits de l’homme.
**Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant.