États généraux de la liberté éducative

Les États généraux de la liberté éducative (EGLE) sont un projet émanant du GRRÉ. Leur point d’origine est la décision du gouvernement français de restreindre le droit à l’instruction en France, en limitant les modalités d’instruction émancipatrices expérimentées dans les écoles démocratiques et l’instruction en famille.

Les EGLE ont consisté en trois week-ends d’entretiens avec des figures majeures de la recherche ou de l’action en faveur d’une éducation respectueuse des droits et de la dignité des jeunes personnes. Parmi elles, Bertrand Stern, Yves Bonnardel, Laurence Dudek, Daniel Delanoë, Camille Pasquier, Valérie Guilcher, Charlotte Marchandise, Ramin Farhangi, Marjorie Bautista, Viviane Roesch, Maja Mijailovic, Audrey Vernon, Emmanuelle Auraujo, Fabienne Lacoude, Sophie Baudrey, Sinaj, Anne-Marie Rodenas, Claudia Renau, Fredy Fadel, Doriane Kocsinski, Alix Fourest , Gwenaelle Spenlé, Valérie Vincent, Soline Lucas, Christine Campini, Bernadette Nozarian, Isa Lise, et certains de nos enfants.

Nous reproduisons ci-dessous leur manifeste.

Vous pouvez accéder au livre blanc issu de ces journées ici.

Manifeste des EGLE

Le 2 octobre 2020, le président de la République a annoncé sa volonté de rendre l’école obligatoire. Dans le même temps, les Françaises et les Français découvraient, parfois avec étonnement, que l’école n’était, en réalité, pas obligatoire*. En effet, les parents ont, pour l’heure, le droit de prendre en charge l’instruction de leurs enfants plutôt que de la déléguer à l’Éducation nationale ou à des écoles privées. Supprimer ce droit revient à contraindre parents et enfants à se satisfaire de l’offre publique ou à renoncer à la gratuité.

À une époque où les citoyen.ne.s réclament de participer davantage aux décisions qui les concernent, l’éducation semble être le monopole étatique le moins questionné. Pourtant, les parents sont tout à fait légitimes à exercer leur jugement et leur libre arbitre sur les questions éducatives, qu’ils choisissent de déléguer ou non l’instruction de leurs enfants. Et c’est pour cette raison que le droit fondamental de s’instruire hors école doit être absolument préservé.

Puisque l’État écarte la société civile (et en particulier les groupes sociaux prioritairement concernés par l’interdiction de s’instruire hors école) de toute discussion sur un enjeu pourtant cardinal et qui l’engage toute entière, nous, citoyennes et citoyens, prenons l’initiative d’ouvrir un débat public sur la liberté éducative.

Car la question de l’éducation et des libertés individuelles et collectives qui y sont attachées se pose à toute la société, et notamment aux enfants.

Depuis quelques décennies, un nombre grandissant d’études sur le développement physique et psychique de l’enfant, sa santé, ses compétences cognitives et sociales, ses droits, sa place dans la société mettent au jour les effets délétères de ce que, jusqu’à peu, on peinait à identifier comme des violences physiques et psychiques, des atteintes à sa dignité.

Au sein de l’Éducation nationale, les rares initiatives pédagogiques alternatives qui tiennent compte de ces études sont souvent critiquées voire attaquées, et presque systématiquement évincées par les politiques au profit de considérations d’ordre matériel, financier, voire idéologique. Ce sont dès lors souvent des initiatives citoyennes (instruction en famille, écoles alternatives privées) qui ont nourri l’expérimentation et l’innovation pédagogiques.

Malheureusement, les données issues des expériences citoyennes et de la recherche sur ce qui favorise le développement, le bien-être et l’émancipation des enfants ne sont pas, ou très partiellement, prises en compte par les politiques éducatives menées par les gouvernements successifs. Les méthodes gouvernementales de gestion de la « crise éducative » consistent majoritairement en davantage de coercition, de contrôle, de réduction voire de remise en cause radicale des libertés individuelles et collectives à expérimenter, innover, s’instruire, se former, vivre, en dehors du système éducatif d’État.

Il est temps de subordonner les questions éducatives au respect et à l’intérêt supérieur de l’enfant, définis du point de vue de l’enfant.

Ainsi, nous, citoyennes et citoyens, qui sommes visés par ces politiques, souhaitons convoquer, dans le cadre d’états généraux, les acteurs de notre société qui sont les moins médiatisés et les moins représentés et entendus au niveau politique afin qu’ils puissent mettre en avant leurs perspectives individuelles et collectives et défendre la liberté éducative.

Nous voulons nous réapproprier ce débat, accaparé par des « techniciens » désignés par l’État, morcelé par des champs d’expertise et dont nous avons trop longtemps été privés voire exclus. Nous voulons nous soustraire à la soumission aveugle qui nous est imposée par cette exclusion du processus décisionnel et reprendre notre destin et celui de la nation entière en main.

Ainsi, tout au long du mois de novembre, nous proposerons des conférences, des entretiens et des débats en ligne sur des questions relatives à la liberté éducative. Celle-ci sera discutée selon trois axes principaux : ”l’offre” de l’école publique et ses limites, les expériences alternatives (instruction hors école ou en écoles privées) et leur résilience, l’enfant, ses besoins, ses droits et la redéfinition de sa place dans la société.

Nous souhaitons également recueillir les propositions des citoyen.ne.s dans le cadre d’un forum en ligne.

Il s’agira ensuite de transmettre une synthèse de ce débat public à nos politiques afin de nourrir et d’inspirer le débat parlementaire, notamment en amont de l’examen du projet de « loi renforçant la laïcité et les principes républicains » par le conseil des ministres.

Plus généralement, le but de ces actions est d’inventer ensemble de nouveaux dispositifs pour faire vivre la liberté éducative et nos idéaux de bien-être et d’émancipation. Ultimement, au plan politique, il s’agit de définir un horizon enthousiasmant pour toutes et tous, et en particulier pour les enfants, premiers concernés parmi les citoyen.ne.s.

*En France, c’est l’instruction qui est obligatoire, pas le lieu où elle peut être dispensée.

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